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Can't catch Tomorrow

20 août 2008

Onzième note. / Thomas Newman - Plastic Bag Theme

ParisPlus de cinq mois que je n'ai pas écrit. Plus de cinq mois que je n'arrive plus à écrire. Comme l'impression que, tout doucement, les choses ne sont plus les mêmes. Comme si chaque moment avait un goût différent. Ni pire ni meilleur, juste différent.
Peut-être que dans la vie de tout être humain on trouve des tournants. Peut-être aussi que parfois, certains ont mal pris les leurs. La vérité est qu'on ne sait qu'on a fait une erreur que juste une seconde avant le crash.
Alors viennent les questions. L'avenir, le passé, les promesses qu'on s'était fait, celles qu'on a déjà brisé et celles qu'on espère continuer à tenir.
Là par exemple, juste au moment où j'écris ces lignes, je sens que c'est la fin d'une certaine époque. Je sais que les souvenirs fanent aussi sûrement que les minutes passent. Je sais aussi que, quoiqu'on fasse, il en restera toujours quelques uns pour vous accompagner. Le fait est qu'on ne les choisit jamais.
Il n'y a rien de défaitiste dans ce constat. Je ne crois pas en dieu, je ne crois pas en l'homme. Mais s'il y a une chose dont je sois toujours persuadé c'est que notre vie, de notre naissance à notre mort, est la seule chose tangible que nous ayons. Chaque minute que nous passons sur cette terre, nous la possédons. Elle est à nous. Comme une petite boule de neige : c'est à nous de la modeler, de la rendre la plus jolie possible.
Alors je me demande comment je vais créer toutes ces petites minutes que j'ai devant moi. Je me demande comment je vais arriver à être fier de ce que j'ai fait. 
Alors où m'emmènera ce tournant ? Est ce qu'il me rapprochera de ce dont je rêve ? Est ce qu'il m'apportera la preuve que ce que j'espérais n'est plus la même chose que ce que j'espère ?

Je connais quelqu'un qui dit : People don't change.

Moi je pense que même si, en un sens ils ne changeront jamais, la vie nous façonne autant que nous la façonnons. Je pense qu'il n'y a de limites à nos rêves que l'envie de les réaliser.
Et je pense que si il y a bien quelqu'un sur cette terre qui a envie de vivre un jour ce qu'il a dans la tête maintenant, c'est moi.

Ceci était la dernière note, ce blog n'a plus de raison d'être depuis longtemps.

Il faut croire que je ne suis satisfait que quand j'écris pour quelqu'un que j'aime.

Ha, et j'allais oublier :

Si on ne se revoit pas d'ici demain, je vous souhaite une bonne journée et une excellente nuit.


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23 mars 2008

Dixième note. / Lacuna Coil - When a dead man walks

fleuveIl semblerait parfois, que les rivages s'écartent, qu'il n'y ait plus d'horizon, juste un long chemin entre les flots, menant vers nul part. Là où, au fond, on a toujours voulu aller. Vers la lumière.
Elle est aveuglante, nichée à la fin de l'immense gouffre. Plus attirante qu'un soleil brisé. Et là nous posons le tout premier choix. Le seul que l'on ait pu prendre correctement jusqu'ici : celui de la connaissance. Cet endroit, que l'on ne semble pouvoir approcher que le sommeil, se cache moins profondément qu'on ne pourrait le croire, il réside dans le seul mot bonheur. Pouvoir profiter de chaque instant. Trouver une pincée de ce soleil à chaque coin de rue, dans un sourire ou dans un geste. Aimer. Juste ça. Arrêter enfin de juger, de s'ériger, de blâmer : et juste écouter. Ecouter comme les plus vieux sages de la terre : écouter et comprendre. Pas pardonner, qui sommes-nous pour pardonner autrui ? Pour le pardonner il faudrait déjà juger son acte.

Juste de la compréhension...

Mais... l'humain en est-il capable ? Aimer sans rien attendre en retour, ne pas aimer l'autre pour ce qu'il est : mais parce qu'il est. Démontrer que l'humain n'est pas méchant de nature, mais par réflexe de survie, comme tentative d'adaptation développée depuis la nuit des temps : Voir la société comme une meute, attendant l'attaque, voulant être au dessus, coûte que coûte.
Non: tenter d'effacer tout vestige du passé mais ne se concentrer que sur le présent, pour en faire le meilleur présent possible...

Alors qui ? Qui peut se targuer d'approcher ne fut-ce qu'un peu de cet être là ? Qui peut avouer qu'il n'a jamais eu le moindre sentiment de haine, de jalousie ou de violence...?

Il en faudrait un. Juste un...

...sur six milliards.

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J'ai en tête comme un soupir. Ou peut-être comme un souvenir. Quelque chose de doux, de fin, et de tellement fragile. Comme une vieille photo, ce souvenir s'effrite, il perdra bientôt sa brillance. Alors je m'y replonge de temps en temps. Pour comprendre. Pour sourire.
Parfois je souhaite qu'il soit totalement perdu, et parfois je souhaite qu'il reste gravé en moi le plus longtemps possible.
Ce souvenir se compose de quelques rires accrochés à l'air chaud d'un été, d'une voiture, et de boucles brunes, mais aussi de pluie et de courses effrénées. D'amour et de soleil.

Alors j'attends demain...

Parce que le matin chasse souvent les souvenirs blessés.

22 décembre 2007

Neuvième Note / Damien Rice - 9 Crimes

edwardAu commencement Dieu créa le ciel et la terre.  Il y ajouta la lumière, parce qu'elle était trop sombre. Il y eut un soir et il y eut un matin, ce fut le premier jour. Combien de soirs, combien de matins lourds ont passé, Dieu a oublié. Il se souvient des premiers instants. Ceux où il a donné la vie à la plus belle, la plus réussie de ses créations : l'Homme. Il se sent satisfait. Il les a fait à son image, beaux, innocents, bons. C'était la première semaine. Les premiers matins du monde rayonnaient sur la terre, sur tout ce qui, à présent, commencait à grandir, à pousser, à vivre. Et la vie elle même rayonnait, de grâce, de splendeur, rivalisant de beauté avec les plus beaux joyaux du ciel. Dieu était heureux. Il avait créé le monde, et il y avait de quoi s'enorgueillir. Et tous les premiers soirs du monde brillaient du feu des astres qu'il venait de placer dans le firmament. Les ténèbres elle même étaient douces, et doux les matins tapissés de rosée. Et qui dormait dans l'herbe grasse, qui créait dans le jardin d'Eden la première romance et, sans le savoir encore, la première tragédie ? Adam et Eve, frère et soeur, maris et femme, doux amants de l'aube, chef-d'oeuvre du Père. Dieu les aimait plus que tout, après tout, il les avait créés à son image, ils avaient de quoi ravir au ciel la plus parfaite des flammes. Ingénus, magnifiques, ils aimaient tout ce que le premier matin et le premiers soirs avaient fait grandir au jardin éternel. Mais Dieu avait oublié. Il avait oublié une chose. La seule règle qu'il s'était lui même imposée. Celle qui l'avait décidé à créer l'Homme avant les animaux. Il les voulait libres. Car il n'y avait pas d'entraves possibles au commencement du monde. Tout devait être possible sinon rien ne le serait. Et Dieu venait de s'en rappeller. A l'instant même où les dents nacrées cherchaient pour la première fois les âpres douceurs de la vanité. Ses enfants avaient fait le premier choix de leur histoire. Ils venaient de jeter la première étincelle de l'enfer dans l'enceinte de son sanctuaire.
Alors Dieu arrêta le temps. Il figea les choses et descendit la contempler. La divine pécheresse. Douce, blanche, gracile, comme les premiers flocons. Il s'approcha, pour la toucher, pour la comprendre, ... Et il se perdit dans ses yeux. Car les yeux de la première mère étaient comme deux étoiles. Il y vit la première faute, l'ombre légère de la première trahison. Et il comprit. Il comprit que désormais, rien ne pourrait plus être comme il l'avait espéré. Il embrassa le front de celle qui, désormais, devrait assumer les plus cruelles souffrances. Puis il se retourna et s'en fut. Sur le visage de la première femme, coulait doucement la première des larmes.

Maintenant, Dieu a oublié le compte des jours. Il oublie un peu plus chaque jour. Depuis le matin du monde, le soir est tombé. Bientôt ce sera la nuit.

19 novembre 2007

Huitième note. / Gold - Tropicana

pt8993Le jour venait de se lever. La brume se dispersait dans un de ces jours où elle finit toujours pas rester un peu. Le doute était alors le trait d'union entre la nuit et le reste. S'il y en avait un. Emergeant, lentement, doucement, dans la lande humide, les premiers rayons caressaient la rosée. Il faisait froid, pas assez pour l'hiver, un peu trop pour l'automne. Après tout, rien n'était plus certain depuis longtemps, et c'était encore bien heureux que le soleil continue de se lever sur quelque chose. Mais il y consentait néanmoins, même s'il perdait un peu plus de chaleur chaque jour à réchauffer des coeurs qui y étaient de moins en moins réceptifs.
Les bottes et les sabots crissaient dans l'herbe à peine gelée, gravissant quelque colline ici ou ailleurs, dans un but qui leur était propre, pour aller quelque part et faire quelque chose, mais le tout dans la pâle clarté du jour nouveau. Il était tôt. Toujours aussi tôt pour ces hommes que la chaleur de leurs couches lancinait encore. Et ce vent, ce vent froid, qui glacait, qui mordait jusque sous les vêtements, et qui s'accrochaient à leur peau comme le souvenir d'un rêve mauvais.
Pourtant, dans quelques heures, les voix commenceraient à résonner au loin, sonnant le réveil dans les villes alanguies. Puis la rosée s'évaporerait sous la caresse de plus fortes lueurs, et le doute laisserait la place à une fragile certitude : celle d'un avenir tout proche. Le silence serait mort. Le vent cesserait de cracher à leurs yeux son infâme mélodie. Et tout recommencerait, comme chaque jour. A midi, le soleil serait au zénith, et ils s'arrêteraient pour se restaurer. Ils penseraient au reste de la tâche, au repas du soir, et à la promesse de chaudes caresses, près du feu ou sous leurs draps.
Mais rien de tout ceci ne vivait encore, du moins, en dehors de leurs songes. La brume restait. La brume pesait. Et le matin fleurissait dans leurs coeurs, mordant et vif, oubliant qu'après tout, ils n'étaient que des hommes...

11 novembre 2007

Septième note. / Joe Hisaishi - The rain

montagneL'Homme est singulièrement étonnant. Il est magnifiquement laid et horriblement beau. Il souffre en riant, il pleure en chantant, il meurt en rêvant... Il est la plus incroyables des créations, l'animal le plus abjecte mais le plus évolué, le plus complexe mais le plus fragile. Comprendre l'humain c'est comprendre la vie,... Comprendre l'humain c'est accepter la mort.
Ecouter la litanie des souffrances humaines demande une très grandre capacité d'abstraction.
Car la plus grande difficulté lorsqu'on cherche à percer à jour le secret d'un être, à comprendre son essence même : ses pensées, et la manière dont elles se forment, se cache dans l'écoute. Ecouter la voix, la voix qui raconte, la voix qui se souvient. L'écoute n'est pas seulement celle du corps, mais celle de l'âme.
Pour arriver à communier avec l'autre, il faut l'écouter avec son coeur. Oublier la raison, et apprivoiser l'amour. Il faut recréer l'amour. Faire renaître la confiance du nourisson près du sein de sa mère, celle de l'aveugle envers son guide, celle du croyant envers son dieu. Il faut brandir, exposer, exploser le beau. Car du beau et de l'amour naissent la plus belle, la plus pure sincérité.
Comprendre c'est donc écouter mais aussi aimer. Aimer et respecter. Aimer l'autre pour ce qu'il est, le respecter pour ce qu'il pourrait devenir.
Essayer de comprendre un meurtier, mieux encore, de l'excuser, se révèle être un acte d'amour, un acte de foi à ce point difficile, et à ce point merveilleux envers l'être humain qu'il semble impossible... Les peurs, les manques, les faiblesses, tout ce qui le compose, tout ce qui rend l'humain si laid le rend étrangement si beau. Pardonner son prochain nécessite tellement de paix intérieure, tellement de confiance, de pureté, qu'il est le plus beau cadeau que l'on puisse faire à un Homme.
Car comprendre l'autre pour se comprendre soi-même, voir en chaque être vivant une possibilité d'amélioration, n'est-ce pas le but final auquel aspire chacun... ?

Je voudrais mourir sage et appaisé, comme on le voit parfois chez ces personnes qui approche de la fin de leur voyage. Lorsqu'elles commencent à peiner sur le chemin de la vie, qu'elle s'asseyent à l'ombre d'un arbre qui borde la route, et qu'elles s'assoupissent, peu à peu, les mains croisées sur le ventre. Non pas résignées, juste appaisées... Conscientent d'avoir vécu, heureuses de leur parcours, regardant doucement, heureuses, leurs enfants, petits-enfants, qui marchent loin, loin, dans les empreintes qu'elles ont laissées. Lorsqu'elles ferment les yeux pour la dernière fois, ces personnes là, on voit disparaître derrière leurs paupières l'éclat d'une petite lueur. Et sur leurs lèvres le mince sourire d'un souvenir espiègle, fugace. En eux, a brûlé jusqu'à la dernière seconde, la flamme d'un secret. Le secret du bonheur.

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30 octobre 2007

Sixième note. / Archive - Lights

Elle_oOIl avait fermé les fenêtres, avait tiré les rideaux. La musique avait finit par se taire. Le bois ne craquait plus, la maison retenait son souffle. A vrai dire, plus rien ne vivait à part lui. C'était ce qu'il voulait. Trop d'existences, trop de bruits, trop de tout. Il voulait être seul. Tout seul. Et seul il l'était, dans cette bicoque délavée. La poussière recouvrait les meubles. Un voile de silence envahissait chacune des pièces. Le transistor seul rappellait à la vie la vieille maison, lorsqu'un doigt hasardeux lui intimait de le faire. Mais le lieux était vide, s'il n'était pas mort, si bien que même le temps perdait de sa substance à mesure que l'on s'y attardait. Parfois, sur les murs, on trouvait encore la trace d'une antique peinture, ou un jouet, dans un coin, prouvait qu'auparavant autre chose avait existé. Mais à présent, seul lui existait, perdu, vidé, mais vivant, assis contre le mur.
Au dehors, la terre tournait, l'aiguille de l'horloge aussi, les gens couraient, dormaient, pleuraient ou riaient.
Ici, rien de tout ça ne comptait plus. Il aurait aussi bien pu être un rongeur, ou une plume égarée, tombée d'un oreiller il y a bien longtemps, mais le fait est qu'il était lui, et qu'en cela même consistait le problème.
S'il était lui, et qu'il était vivant, il était déjà de trop, car toute chose dans la maison était condamné à mourir, c'était écrit quelque part. Les pensées, ses pensées, tournaient trop vite dans sa tête, même ses paupières closes laissaient filtrer un flot d'images, de sons, aveuglant, assourdissant. Il devait partir, fuir, et laisser là une scène qu'il avait quitté il y a trop d'années. D'ailleurs, pourquoi était-il ici, rien ne l'avait poussé à venir, si ce n'était une mauvaise coincidence. Partir...
Mais on ne fuit pas si facilement le sanctuaire de ses souvenirs. Le goût du sang dans sa bouche ne le surprit même pas, peut-être que la remise où il cachait ses vieux squelettes s'était mise à suinter. Peut-être qu'un jour, le passé rappelle au présent que tout ce qui fut continue d'exister, et que, magré tout, rien ne sert de courir, il faut juste partir serein.



Et si ce qui devait être fait l'a été, alors ferme tes yeux et pense à ce que tu as accompli, puis pense à ce qu'il te reste à faire pour prouver que tu as été, ainsi tu resteras,... peut-être.


3 octobre 2007

Cinquième note. / Loreena McKennitt - Stolen Child

SP_A0021La ruelle s'étendait devant lui jusqu'à se perdre dans la nuit. Ici, il n'y avait pas de doute, l'humain avait vaincu les ombres, le goût sucré des réverbères lui caressait les paupières, closes. Rien n'indiquait que cette nuit serait différente des autres, de toutes les autres. Pourtant, malgré toutes ces fois où il avait compté ses pas sur les pavés froids, malgré toutes les heures perdues qu'il avait passé dans l'étreinte de l'aube, et malgré tous ces matins où il s'était surpris à contempler, assis dans l'herbe maquillée de rosée, la lente progression du soleil, il avait senti quelque chose de différent. Quelque fois, des promeneurs tardifs se pressaient le long de la drève humide, mais souvent, le plus souvent d'ailleurs, il était seul.
Et lorsqu'on lui parlait de la douceur du foyer, de la caresse chaude des draps et des intimes consolations du sommeil, il souriait gentillement. Il plantait son regard dans les yeux de son interlocuteur, ou plutôt de l'étranger en face de lui, et il lui prenait la main, tendrement. Par ce geste, il espèrait, je crois, transmettre ses images, ses moments à lui. Ses rèves il les créait avec le bruissement des arbres dans le vent glacé, son réconfort, il le trouvait dans la musique, ténue, discrète, des centaines de petits pas, quelque part dans les buissons près de lui. Et ses yeux se fermaient, non pas pour lui apprendre le sommeil, mais pour savourer, pour déguster avec délectation, chaque seconde de cette secrète plénitude.
Certains se plaignent de ne pas trouver le repos, même lorsque le marchant de sable livre à chacun sa part de sommeil. Lui n'avait jamais rencontré cet homme. Ou plutôt, si, parfois, il l'apercevait au loin, quelque part dans la brume, et ils se regardaient. Puis l'autre repartait, toujours autre part, là où on suppliait son attention. Ils se connaissaient maintenant, et une sorte de pacte tacite les liait.

Et lorsque le soleil avait finalement chassé chaque recoin d'ombre dans le parc désert, lorsque les premiers humains commençaient à sortir de leurs paillasses sacrées, et consacrées, de leurs épanchements nocturnes, alors seulement il quittait l'endroit qu'il avait choisi pour passer la nuit, ou plutôt, pour adorer la nuit. Il se levait d'un pas lent, accordait un dernier sourire à l'autel de ses songes nébuleux, et partait se cacher du monde des hommes, du mieux qu'il le pouvait.

Mais cette nuit était différente. Après tout, il l'avait senti, non ? Il leva son regard vers la lune, lui rendit un dernier hommage en lui adressant un sourire, et ferma ses yeux.

Au loin, résonnaient les douze coups de minuits, et, pour la dernière fois, les yeux du vieil homme se fermaient, dans un sourire.

Edouard, comme l'appellaient entre eux les employés municipaux, avait finit par rendre à la nuit la seule chose qu'il lui restait : son corps. Son âme, quant à elle, offre encore quelquefois aux arbres du parc l'honneur de ses promenades. Cette nuit là, les douze coups de minuit avait sonné le début d'une année nouvelle, et, au sein de la seule fête qu'il aurait pu apprécier, Edouard avait décidé qu'elle se ferait sans lui.

28 septembre 2007

Quatrième note. / Jeff Buckley - Corpus Christi Carol

RimbaudJ'ai essayé de retarder l'instant. Longtemps. Longtemps, j'ai cherché, en vain, à oublier ce qui, indubitablement, allait arriver. Tôt ou tard, je devais m'y résoudre. Pas encore, pas tout de suite.

Je me suis soûlé de bruit, de musique et de danse. J'ai pénétré la nuit dans un vacarme effroyable, un concerto diabolique à nul autre pareil. J'ai affronté la lune dans un solo de guitare, j'ai tutoyé les étoiles en m'écorchant la voix. Les chants mélancoliques m'ont transpercé le coeur et crevé les tympans. Osant tout pour ne rien recevoir, tentant, sans espoir, de me battre contre le vide. J'ai lancé, avec toute ma force, les plus belles mélodies à la face du monde, noir et désert devant moi, espèrant sans doute une réponse, un signe de compassion, mais rien n'est venu. J'étais seul et je devais le rester jusqu'à la fin. Buckley, Isaak, et Zeppeling chantaient, pour essayer de retarder l'instant, le moment où je devais en finir. Mais il est venu.

Je me suis couvert les yeux de mille images d'argent, j'ai rassemblé les lumières du ciel pour les placer dans mes yeux, elles innondaient mon coeur d'une ardente folie. J'ai cherché au fond de ma mémoire les fenêtres sur mon coeur. Mon passé où la gloire ne se résumait qu'à un sourire. J'ai trouvé des bonheurs que j'avais enfoui, trop loin, sans raison, aux bornes de mes souvenirs. Dans un éblouissement fébrile, j'ai tâté à nouveau les limites de ma foi, croyant perdre celle-ci dans mes plus profonds malheurs. Et les larmes coulaient entre mes lèvres écartées, donnant à mon sourire un goût de sel amer. Mes yeux n'étaient plus qu'un immense écran scintillant, luttant contre les ténèbres du combat à venir, la lutte finale. Et elle est venue.

J'ai cherché du bout des doigts les lèvres de celle qui m'avait volé mon coeur, j'ai marché, aveugle, vers une mer où je n'apercevais plus que l'horizon. J'ai levé la tête en cherchant l'odeur du parfum de ma mère, me dressant pour la retrouver, elle et sa tendre chaleur, dans les embruns glacés, au détour d'une ruelle sombre ou dans un café bruyant. J'ai cru caresser, l'espace de quelques secondes, le bois de mon tout premier banc d'école, j'ai rêvé redessiner les courbes d'un corps perdu, au coeur d'une rupture, ou à la rupture d'un coeur. J'ai voulu, en me tournant le dos, essayer de fuir ce qui, tout le monde me l'avait juré, devait arriver. Et... cela est arrivé.

Malgré mes craintes et contre mon gré. Un beau jour de mai, j'ai du redresser la tête. Je ne devais plus être lâche, il m'appartenait de défendre ce pour quoi je vivais. Car c'était ce jour là que cela allait finir. La date était assez simple, elle était celle de ma naissance.

Ce matin là, je venais d'avoir 18 ans.

30 août 2007

Troisième note. / Debussy - Le clair de Lune

marion_cotillardLes draps étaient rouge ce soir là. Un rouge sombre, envoûtant, décoré par quelques motifs d'un orange chaud. Le piano résonnait dans la pièce d'à côté, ou peut-être dans celle-ci, Je ne me souviens plus. Le morceau était vif et mélancolique à la fois, les notes volaient, couraient, se couchaient sur un thème printamnier, dont le ton était pourtant affreusement triste. Je n'ai jamais compris comment le compositeur avait su peindre le printemps dans une si profonde douleur, mais j'avais toujours considéré ce morceau comme l'un des plus beaux.

Elle était couchée, à moitié enveloppée dans le tissu vermeil, à moitié frissonnante dans la fraîcheur de la nuit qui la bercait à travers la fenêtre ouverte. J'étais assis là, à la regarder, à la contempler, le regard perdu dans l'infinie beauté de la scène. Je n'étais ni photographe ni peintre, à peine savais-je écrire, le tableau resterait donc à jamais accroché au mur de mes souvenirs, seul, unique, trônant parmi ceux-ci comme une perle dans l'océan. Car, vous savez, quoiqu'on en dise, sur une vie les souvenirs sont nombreux, mais plus rares et plus précieux sont les souvenirs dont la marque dessinera toujours un sourire quelque part en vous.

Cette nuit était pourtant l'un de ceux-là. Nous avions fait l'amour longuement, tendrement, caressant avec passion le goût de l'osmose. Rien ne sous séparait plus, rien n'aurait pu nous séparer, et l'ardeur et l'amour se partagaient ensemble les longues heures de la nuit. Puis nous avions parlé, longuement encore, comme nous aimions le faire. Livrant, après les offrandes du corps, celles plus belles et plus chères encore, qui se rapportent à l'âme.
Elle savait tout de moi, je savais tout d'elle, et nous étions heureux, complets, apaisés.

Puis le piano s'est tu, la mélodie se perdant lentement dans le silence profond, laissant voler ses dernières notes jusqu'à ce qu'elles se taisent à leur tour. Les frissons sur sa peau se sont éteints en même temps que son coeur. Doucement.
La dernière note, longue, appuyée, a accompagné un long et heureux soupir, et sur ses lèvres, on pouvait lire la paix rayonnante de l'accomplissement.

Puis l'aube est venue. Les premiers rayons de l'aurore chassant les ombres de mon rêve. J'entends sa respiration à mon oreille, elle ne tardera pas à se réveiller elle aussi. Mais...

pourquoi les draps sont-ils blancs...?

29 août 2007

Deuxième note. / Philip Glass- Marchingseason

ruelle_sombreLe café fumait entre les mains de l'inspecteur Jeremy Euron. Son regard se perdait encore dans les volutes fumantes de la boisson posée devant lui. Son assistante était venue le lui apporter quelques minutes plus tôt, à la suite d'un réveil douloureux dans le canapé qui, ces temps-ci, occupait un peu trop souvent le rôle de son lit.
La bouche pâteuse et la barbe hirsute, l'officier offrait ces derniers jours une image assez inquiétante. Pour avoir une explication, il ne fallait pas être très curieux; la cause de son manque de sommeil, de son trop-plein de boulot et de son humeur excécrable s'affichait pour le moment à la une de tous les journaux, et ce depuis la dernière fois qu'il avait revu son lit.
Les membres de la brigade criminelle qu'il dirigeait évitaient d'ailleurs un maximum de le croiser, ayant à fournir trop peu de renseignement pour justifier une quelconque gratitude, ou même une lueur d'intêret dans les yeux de leur supérieur.
Celui-ci avait décidé quelques heures plus tôt d'attendre le lever du soleil et l'arrivée de la plupart d'entre-eux en essayant d'effacer les cernes qui soulignaient à présent ses yeux grâce aux quelques heures de repos dont il espèrait bénéficier.
Sa veste de costume était pendue au portemanteau (et le quittait rarement ces derniers temps), ses chaussures délacées au pied du canapé.
Non contentes de ne lui avoir fait aucun bien notoire, Jeremy pouvait maintenant profiter des plaisirs d'un mal de dos des plus plaisants et des marques du tissus imprimées sur le côté gauche de son visage.

Mais bien que ses heures de sommeil sur les dernières nuits se comptassent sur les doigts d'une seule main, l'esprit de l'inspecteur restait vif. Ses yeux, errant encore dans la fumées tièdes de son café, contrastaient avec la rapidité à laquelle le fraîchement levé inspecteur réfléchissait. Comme chaque matin, et malgré l'air persistant d'un morceau de piano qu'il avait encore écouté la veille, accompagné d'un verre de vin, l'homme analysait les étapes de sa journée, les éléments qui allaient la joncher, et ceux qu'il devrait affronter plus vaillamment que  les autres. Parmi ceux-ci, son rendez-vous avec son ex, qui se trouvait malheureusement être le psy imposé aux agents du département criminel. Il ne l'avait pas revue depuis leur rupture et la perspective de parler de son enfance et des conséquences indubitables de celle-ci avec celle qu'il avait quitté il y avait maintenant deux semaines se plaçait assez haut dans l'échelle des difficultés de la journée.

Son regard traîna sur la table basse et rencontra la une du principal journal de la ville, portant le titre que tous transformaient pour le moment en le même message horrible et incessant. Ce message se composait quasiment toujours, depuis le début des évènements, de la même substance : le maniaque qui avait commencé à frapper il y a un peu plus de 7 jours a encore tué.
Cette fois-ci, on avait retrouvé la nouvelle toile au coin d'une rue commerçante dans le nord de la ville.
Car c'était là l'horrible particularité du tueur. Chaque nuit, une nouvelle toile apparaissait quelque part dans la ville. Sur cette toile, du sang, des organes, et toujours la tête de la victime, clouée, fixée, les yeux écarquillés de terreur, fixant les nouveaux spectateurs de leur macabre destinée.

Jamais un témoin. jamais une empreinte. La police bafouillait de vagues pistes devant les caméras et chaque soir, dans les rues désertes de la ville, une nouvelle oeuvre venait orner un mur, fleurissant désormais dans un climat d'effroi.

"Une peinture démentielle" - Premier chapitre.

Photo : cliketclak.skynetblogs.be

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