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Can't catch Tomorrow
28 septembre 2007

Quatrième note. / Jeff Buckley - Corpus Christi Carol

RimbaudJ'ai essayé de retarder l'instant. Longtemps. Longtemps, j'ai cherché, en vain, à oublier ce qui, indubitablement, allait arriver. Tôt ou tard, je devais m'y résoudre. Pas encore, pas tout de suite.

Je me suis soûlé de bruit, de musique et de danse. J'ai pénétré la nuit dans un vacarme effroyable, un concerto diabolique à nul autre pareil. J'ai affronté la lune dans un solo de guitare, j'ai tutoyé les étoiles en m'écorchant la voix. Les chants mélancoliques m'ont transpercé le coeur et crevé les tympans. Osant tout pour ne rien recevoir, tentant, sans espoir, de me battre contre le vide. J'ai lancé, avec toute ma force, les plus belles mélodies à la face du monde, noir et désert devant moi, espèrant sans doute une réponse, un signe de compassion, mais rien n'est venu. J'étais seul et je devais le rester jusqu'à la fin. Buckley, Isaak, et Zeppeling chantaient, pour essayer de retarder l'instant, le moment où je devais en finir. Mais il est venu.

Je me suis couvert les yeux de mille images d'argent, j'ai rassemblé les lumières du ciel pour les placer dans mes yeux, elles innondaient mon coeur d'une ardente folie. J'ai cherché au fond de ma mémoire les fenêtres sur mon coeur. Mon passé où la gloire ne se résumait qu'à un sourire. J'ai trouvé des bonheurs que j'avais enfoui, trop loin, sans raison, aux bornes de mes souvenirs. Dans un éblouissement fébrile, j'ai tâté à nouveau les limites de ma foi, croyant perdre celle-ci dans mes plus profonds malheurs. Et les larmes coulaient entre mes lèvres écartées, donnant à mon sourire un goût de sel amer. Mes yeux n'étaient plus qu'un immense écran scintillant, luttant contre les ténèbres du combat à venir, la lutte finale. Et elle est venue.

J'ai cherché du bout des doigts les lèvres de celle qui m'avait volé mon coeur, j'ai marché, aveugle, vers une mer où je n'apercevais plus que l'horizon. J'ai levé la tête en cherchant l'odeur du parfum de ma mère, me dressant pour la retrouver, elle et sa tendre chaleur, dans les embruns glacés, au détour d'une ruelle sombre ou dans un café bruyant. J'ai cru caresser, l'espace de quelques secondes, le bois de mon tout premier banc d'école, j'ai rêvé redessiner les courbes d'un corps perdu, au coeur d'une rupture, ou à la rupture d'un coeur. J'ai voulu, en me tournant le dos, essayer de fuir ce qui, tout le monde me l'avait juré, devait arriver. Et... cela est arrivé.

Malgré mes craintes et contre mon gré. Un beau jour de mai, j'ai du redresser la tête. Je ne devais plus être lâche, il m'appartenait de défendre ce pour quoi je vivais. Car c'était ce jour là que cela allait finir. La date était assez simple, elle était celle de ma naissance.

Ce matin là, je venais d'avoir 18 ans.

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Commentaires
I
Entre les minutes qui précèdent et les minutes qui succèdent au moment fatidique, que se passe-t-il? Mais rien voyons. Rien du tout. On peut croire, on peut s'inventer, on peut faire tourner notre tête dans tous les sens, ça reste notre tête qui tourne toute seule. Rien de rien. Rien sauf... Sauf ce côté légal, en effet. Extérieur à soi-même, mais qui existe bel et bien. Et qu'est-ce qu'on y gagne? La liberté. Etre un enfant, oui que c'est bon! Mais avant, on n'avait pas le choix. Les meilleurs choses perdent leurs valeurs si elles sont subies, n'est-ce pas? Alors que si on peut enfin les choisir... Voilà ce qui se passe pendant ces quelques minutes. On obtient, tout d'un coup, la liberté de faire ce qu'on veut de notre enfance. La poser, pour la regarder s'éloigner jour après jour, ou bien en garder un bout en nous-même pour se tenir chaud, comme dit Lucile, ou encore se l'accrocher autour du coup, comme un bagage essentiel.<br /> Qu'importe, on l'a choisi. Et on peut enfin avancer dans le monde avec ça, avec ce qu'on est, ou ce qu'on n'est pas. "Défendre ce pour quoi on vie", et même, avec un peu de force et de chance, sans avoir peur.<br /> Ivi Kromm.
L
:] Le 21... en effet, ce n'est pas tout de suite. Eh bien, bravo pour ce texte malgré tout. Et merci pour ton commentaire, ça m'a terriblement flattée. Merci, merci...
T
Hey :), merci pour le bon anniversaire mais je devrai malheureusement attendre jusqu'au 21 mai pour profiter pleinement des joies de la maturité (légale du moins, j'ai jamais prétendu être responsable :p)<br /> <br /> Quant au conseil, je le graverai lui aussi quelque part dans ma tête, à côté du poster de Peter Pan et des contes de ma grand-mère. <br /> <br /> Après tout, la jeunesse c'est dans la tête.<br /> <br /> Bbye :)<br /> <br /> Thomas.
L
Et puis, joyeux anniversaire quand même. Sauf s'il s'agissait d'un écrit fictif. Dans ce cas, transmet-lui tous mes voeux.
L
L'enfance est précieux, garde-la encore un peu. Même si tu penses que c'est fini, qu'à l'aube de tes dix-huit ans tout doit s'achever, que tu resteras seul face aux nouvelles responsabilités qui s'offrent à toi, garde un petit peu d'enfance au creux de toi-même... tu verras ça réchauffe et l'on se sent moins seul dans un nuage de souvenir.
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