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Can't catch Tomorrow
3 octobre 2007

Cinquième note. / Loreena McKennitt - Stolen Child

SP_A0021La ruelle s'étendait devant lui jusqu'à se perdre dans la nuit. Ici, il n'y avait pas de doute, l'humain avait vaincu les ombres, le goût sucré des réverbères lui caressait les paupières, closes. Rien n'indiquait que cette nuit serait différente des autres, de toutes les autres. Pourtant, malgré toutes ces fois où il avait compté ses pas sur les pavés froids, malgré toutes les heures perdues qu'il avait passé dans l'étreinte de l'aube, et malgré tous ces matins où il s'était surpris à contempler, assis dans l'herbe maquillée de rosée, la lente progression du soleil, il avait senti quelque chose de différent. Quelque fois, des promeneurs tardifs se pressaient le long de la drève humide, mais souvent, le plus souvent d'ailleurs, il était seul.
Et lorsqu'on lui parlait de la douceur du foyer, de la caresse chaude des draps et des intimes consolations du sommeil, il souriait gentillement. Il plantait son regard dans les yeux de son interlocuteur, ou plutôt de l'étranger en face de lui, et il lui prenait la main, tendrement. Par ce geste, il espèrait, je crois, transmettre ses images, ses moments à lui. Ses rèves il les créait avec le bruissement des arbres dans le vent glacé, son réconfort, il le trouvait dans la musique, ténue, discrète, des centaines de petits pas, quelque part dans les buissons près de lui. Et ses yeux se fermaient, non pas pour lui apprendre le sommeil, mais pour savourer, pour déguster avec délectation, chaque seconde de cette secrète plénitude.
Certains se plaignent de ne pas trouver le repos, même lorsque le marchant de sable livre à chacun sa part de sommeil. Lui n'avait jamais rencontré cet homme. Ou plutôt, si, parfois, il l'apercevait au loin, quelque part dans la brume, et ils se regardaient. Puis l'autre repartait, toujours autre part, là où on suppliait son attention. Ils se connaissaient maintenant, et une sorte de pacte tacite les liait.

Et lorsque le soleil avait finalement chassé chaque recoin d'ombre dans le parc désert, lorsque les premiers humains commençaient à sortir de leurs paillasses sacrées, et consacrées, de leurs épanchements nocturnes, alors seulement il quittait l'endroit qu'il avait choisi pour passer la nuit, ou plutôt, pour adorer la nuit. Il se levait d'un pas lent, accordait un dernier sourire à l'autel de ses songes nébuleux, et partait se cacher du monde des hommes, du mieux qu'il le pouvait.

Mais cette nuit était différente. Après tout, il l'avait senti, non ? Il leva son regard vers la lune, lui rendit un dernier hommage en lui adressant un sourire, et ferma ses yeux.

Au loin, résonnaient les douze coups de minuits, et, pour la dernière fois, les yeux du vieil homme se fermaient, dans un sourire.

Edouard, comme l'appellaient entre eux les employés municipaux, avait finit par rendre à la nuit la seule chose qu'il lui restait : son corps. Son âme, quant à elle, offre encore quelquefois aux arbres du parc l'honneur de ses promenades. Cette nuit là, les douze coups de minuit avait sonné le début d'une année nouvelle, et, au sein de la seule fête qu'il aurait pu apprécier, Edouard avait décidé qu'elle se ferait sans lui.

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Commentaires
L
Un "Waw" me suffit amplement. <br /> J'espère que je ne me trompe pas de personnes en te répondant à toi ^^
B
Bien voilà , celui là je l'ai vraiment lu . Je dois avouer que ce que tu écris est toujours aussi .beau , pas trop d'étalage d'admiration ce soir ;)
Y
Bonjour, ici un célèbre professeur de lettres a Oxford Vintage, j'en ai rien a faire de votre gueule, mais je tiens a vous dire que ce que vous faites est... Bon.<br /> <br /> <br /> P.S. : Jartes-moi cette phrase cassante stp.
L
Honteusement? Au contraire, je ne suis que trop fière de t'avoir inspiré le sujet d'un texte plein de talent! Je... ne sais pas quoi dire! C'est vraiment sublime, magnifique. À part un "bravo" simple et qui prend tout son sens, que pourrais-je dire d'autre?
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